Aujourd’hui, je vais vous parler de photo de rue. Enfin pas réellement de photo de rue comme scène de vie, ou comme témoignage d’un événement, mais ici je vais vous parler de celles et ceux qui font vivre la rue : toi, moi, vous ! J’avais déjà tenté l’expérience l’année dernière dans les rues de Dijon. Le but était d’aborder les gens en leur demandant de poser pour moi quelques minutes.
Étant relativement timide dans la vraie vie réelle avec des vrais gens dedans, la mission a été un réel échec. Pas moyen d’aborder les gens, souvent en groupes, et donc socialement en position de force. Le cerveau est vraiment mal foutu, on se bourre de préjugés, en fonction de sa vie, de ses concepts ou de sa propre éducation … Et finalement je suis rentré bredouille avec quelques photos banales, ou floues, mais ce n’était pas mon dernier mot !
La plupart des gens sont sympas
Si vous abordez les gens dans la rue, Il y a de grandes chances que vous soyez confrontés à un refus, le « Non » ou « Non merci » pour les plus polis. Je ne dis pas ça pour vous décourager. Ce qu’il faut savoir, c’est que la plupart du temps les gens sont pressés, ils ne sont pas forcément dans la rue pour traîner, ou rencontrer des gens pour discuter. Courses à faire, cadeau à acheter, repas à préparer… notre vie est dirigée par un chronomètre.
Cependant en demandant la permission avant de shooter, vous limitez les risques de prises de tête avec des personnes dont « le droit à l’image au combien importante » ne mérite pas d’être capturé par un photographe à deux balles. Attention je suis un fervent défenseur des photographes de rue, mais le « portrait » et la « photo » de rue, sont deux types différents de photographie.
Au milieu de ces refus, si vous tombez sur une personne qui a un peu de temps dans son planning, il y’a de grande chance qu’elle accepte de poser pour vous le temps d’une petite explication dans votre démarche, et pourquoi pas un échange de mail, ou de carte de visite. Cela vous permettra d’envoyer la photo à la personne, et ainsi vous créer des contacts.
[youtube url= »http://youtu.be/e5NgG5koPZU »]
Scott Schumann de The Sartorialist est un expert en la matière. Regardez la petite vidéo ci-dessous, vous verrez comment il aborde les gens, tel un gentleman. Il recherche les looks des inconnus dans la rue et les photographie, en quelques minutes.
D’après mon expérience, et d’histoires qui m’ont été rapportés, il semblerait que la France et les français, soient beaucoup moins disposés à ce genre de pratiques. Les américains, et pays latins sembleraient bien plus accueillants avec les photographes. Si vous avez une expérience, une histoire dans un autre pays à partager, n’hésitez pas à en parler dans les commentaires !
Quelques astuces pour aborder un/e inconnu/e
Mais revenons en à nos moutons. Il y’a tout de même quelques petits trucs qui vous aideront à repérer les gens dans la rue, et à les aborder de manière à les amener dans une zone de confort qui vous permettrait de capturer leurs portraits :
– Soyez toujours poli et souriant. Le but je vous le rappelle et de prendre une personne en photo de manière respectueuse et de lui offrir une belle image d’elle même. Si vous les abordez en faisant la gueule, je ne suis pas sur que la démarche soit fructueuse pour vous.
– Repérerez les personnes avec un look intéressant, voir original. Ces personnes sont plus à l’aise avec leur image, et seront donc plus aptes à répondre à votre appel.
– Profitez de ce style pour flatter la personne que vous souhaitez photographier. « Votre coupe de cheveux est vraiment sympa, vous permettez que je vous prenne en photo ? » sera toujours agréable à entendre. On entre finalement dans une sorte de jeu de séduction, pour que la personne se sente bien avec vous.
– N’oubliez pas de choisir votre lieu de prise de vue. Une rue étroite avec des poubelles ne sera pas forcément un atout pour vendre votre prestation. Choisissez un centre ville, si possible historique, ou un lieu moderne. Pensez encore et toujours à votre arrière plan. Je le répète souvent, mais moi même je l’oublie encore trop régulièrement. Un petit parc à coté d’une rue passante ? Un pont avec vue sur la ville ? Une grande porte colorée ? N’hésitez pas à vous déplacer pour avoir des photos différentes lors de votre session
– Si possible, faites quelques photos tests avant de commencer votre séance, afin d’avoir la bonne exposition dès le départ, et corriger rapidement par la suite. Je vous rappelle que la personne en face vous n’a que quelques minutes à vous accorder, il ne faut pas que cela se transforme en calvaire interminable pour votre sujet.
– Si vous arrivez à accrocher la conversation, expliquez votre démarche. Ou inventez-en une (avec parcimonie). Expliquez que vous êtes professionnel, et que vous souhaitez étoffer votre book. Racontez que vous prenez des cours de photos, et que vous avec comme exercice de rapporter à votre école, ou votre club, des portraits d’inconnus afin de développer votre technique. Vous pouvez également tenter l’humour avec des petites phrases d’accroche, si la personne sourit, il y’a des chances que le courant passe.
– Ayez sur vous un calepin pour noter des adresses mail, des numéro de téléphones, et vos cartes de visites. La personne photographiée, si vous ne lui proposez pas, vous demandera sûrement une copie de la photo. Cela vous permettra par la suite de demander l’autorisation pour une publication, et permettra de faire connaître votre travail.
Malgré tout cela, si cela ne marche pas, n’oubliez pas qu’il y’a des tas des personnes autour de vous qu continuent de passer, et vous pourrez réessayer avec quelqu’un d’autre.
L’exemple par la pratique
Début mars, suite à l’invitation du photographe Nicolas Logerot, nous avons tenté l’expérience un samedi ensoleillé dans les rues de Besançon. Nous étions équipés de nos boîtiers respectifs, ainsi que d’un flash cobra monté dans une boite à lumière 70×70. Le but était clairement d’annoncer la couleur : nous sommes photographes. L’avantage était d’avoir à tour de rôle un assistant pour le positionnement de l’éclairage.
Beaucoup de gens étaient intrigués, mais malgré cela beaucoup de refus à notre première question « ça vous dirait un portrait ? » mais les jeunes étaient plutôt attirés par la possibilité d’avoir des photos de pros dans la rue.
Nous avons pas mal marché dans la journée, et réussi à faire quelques portraits vraiment sympas. Nicolas a même réalisé une petite vidéo avec ses portraits (et même ma trogne), allez c’est cadeau :
Je vous mentirais si je vous disais que c’était super bien. Non ce n’était pas super bien, car beaucoup de stress, beaucoup de refus, beaucoup de travail pour peu de résultat. Mais c’est une bonne expérience, très formatrice, tant dans la photographie (prendre des portraits de qualité, en quelques minutes) que dans le rapport à l’autre, et l’échange social. Mais je vous mentirais également si je vous disais que cela ne m’a pas plu. Je pense bien réessayer l’expérience, améliorer ma technique afin d’avoir moins de refus, plus de confiance en moi.
Je vous conseille de partir à deux ou trois maximum pour vos premières fois. Cela vous permettra de discuter pendant la marche, d’aborder les gens plus aisément si comme moi vous êtes timides. Si les questions de droit vos posent problème, je vous conseil aussi d’aller faire un tour sur le site de la très sympathique Joëlle Verbrugge et notamment cet article sur le droit à l’image des personnes prises en photo dans la rue. Cependant si vous vous reconnaissez sur une de ces photos d’illustration, n’hésitez pas à me contacter.
bonjour
interessant retour d’expérience mais je ne vois pas la vidéo de Scott Schumann , sartorialist sur l’article, elle est enlevée ?
Je demeure un indécrottable partisan de la photo volée pour ma part, de la scène de rue en mode « sur le vif », de la spontanéité. Mais, tu l’as relevé : « le portrait et la photo de rue, sont deux types différents de photographie ». Ceci posé, le fait de privilégier la photo volée ne m’empêche nullement de relancer mes modèles improvisés par la suite et de leur expliquer ma démarche. Et là, je confirme : c’est bien en France que les réticences sont les plus importantes. Dans les pays latins où le coup de gueule cependant est souvent un sport, il suffit d’avoir un brin de répondant pour achever l’éventuelle prise de tête autour d’un café.
Merci Marco pour ton retour d’expérience ! Par contre une question me taraude, comment abordes-tu tes modèles éphémères ? Tu leur cours après en leur expliquant ta démarche ? Et comment travailles-tu lorsque tu es à l’étranger ? je t’avoue que cela m’intéresse.
Je ne les aborde pas toujours. C’est une question de regard : beaucoup s’en foutent ou ne s’aperçoivent de rien : ils sont si pressés qu’ils sont déjà à l’autre bout du quartier quand j’ai relevé les yeux. Sinon, il y a quelquefois de la curiosité, de l’amusement, de l’agacement, voire une envie de me casser la gueule. Dès que je croise le regard d’un de mes modèles, je vais à lui. Ici, mon parcours de journaliste me donne toutes les curiosités et tous les culots (et mon gabarit de biker m’évite lesdits cassages de gueule). Dans pas mal de situations, je prends la peine de m’inscrire longuement dans le décor avant de commencer à shooter : j’ai donc déjà échangé un regard, une cigarette, voire un brin de conversation, avec mes modèles improvisés. ça, c’est surtout quand j’aborde les sans-abris. Idem à l’étranger : j’ai par exemple passé de longues journées à palabrer, à boire des coups, à traîner dans les réserves amérindiennes du Québec avant de me permettre d’y promener mon apn.
merci pour ces détails, je pense que cela pourra aiguiller quelques photographes dans leur façon d’aborder la photo de rue. Par contre je suis d’accord avec toi, le physique aide pas mal pour éviter les problèmes 🙂
Très bon article qui pointe l’un des plus gros problèmes de ceux qui sont passionnés par la photo.
J’avais rencontré un photographe américain qui m’a raconté que pendant des années il s’est consacré aux insectes, surtout parce que c’était plus simple, il ne devait maîtriser que l’aspect technique… puis c’est en voyageant qu’il a gagné en confiance et a commencé à systématiquement parler aux gens, même dans des contextes culturels très différents. Du coup, il a abandonné les insectes 🙂
Très bon site, je reviendrai.
NowMadNow
Merci beaucoup ! Il est vrai que lorsqu’on voyage, on est amené à communiquer avec les gens, ne serait-ce que pour demander son chemin. Pourquoi ne pas transformer cela en atout, et en profiter pour réaliser une photo ? Finalement on pourrait résumer l’article par cette phrase simple : Qui ne demande rien, n’a rien.
Merci Lionel pour ton message. Si cet article permet à quelques personnes de se poser des questions sur la photo de rue, et le portrait, alors je suis déjà content. Et si jamais vous tentez le coup, je serais curieux d’avoir vos retours !
Article très intéressant et pour lequel je me sens totalement concerné. 😛
Bien que j’adorerais, je n’ai jamais réussi à faire le pas de solliciter les gens dans la rue. Faute à ma timidité excessive et peut être la crainte de me faire « bouler » (ce qui reste vexant 🙁 )
Mais, après lecture et réflexion, je me dis que je n’ai peut être jamais correctement réfléchi et préparé ces situation.
Ton commentaire sur le choix ces personnes qui semblent à l’aise avec leur image me semble pleine de bon sens et un bon point de départ. Il faut que j’y songe en détail.
Merci
Super sympa cet article !
Merci !
L’un de mes sujets photo de prédilection. Je poursuis ce projet depuis un an et je continue en NB argentique. C’est vraiment riche en découvertes.
J’avais essayé à Montréal, les gens étaient très réticents. J’ai peut-être eu moins de chance qu’en France.
Tu vois Fred, je pensais qu’au Québec, les gens serait plus avenant qu’en France, comme quoi les fausses idées… En tout cas merci pour ton passage !
Possédant un blog de mode, je suis fan de The Sartorialist!
Ton article me parle donc beaucoup 🙂
Il y a peu de temps, je suis allée voir une expo à Lille sur Jamel Shabazz, un gardien de prison devenu photographe, et qui a principalement shooté des gens dans les rues de Brooklyn et autres quartiers mythiques aux US.
J’ai adoré cette expo qui retraçait sa carrière des années 60 à aujourd’hui, et qui est témoin de l’évolution du Hip Hop.
Je la conseille à tout le monde!
Bonne journée!!!
Scott Schumann à l’air tellement à l’aise, cela en est presque énervant ah ah ah ! Je ne connais pas Jamel Shabazz, je vais de suite aller voir ce qu’il fait. En tout cas merci de ton passage.
Excellent article Julien! Très bien vu de parler de ce que tu as ressenti, ça change de tous les articles bien « techniques » qu’on peut lire à gauche et à droite 😉 (y compris sur mon blog). Bravo!
Il y a quelques années, j’ai fait une semaine de stage photo et je me suis prêté un après-midi à l’exercice. Comme tu dis, c’est un peu stressant mais les gens qui jouent le jeu le font vraiment de bon coeur et les rencontres sont sympas. Bon, j’étais en stage à Arles, les gens sont peut-être plus ouverts à la photo!
merci Marc pour ton commentaire. Moi j’aimerais bien faire l’essai aux states 😛
Sympa de te suivre dans ta démarche. Beaucoup de refus, mais les portraits des personnes qui ont accepté sont vraiment chouettes. J’aime beaucoup cet éclairage qui renforce le bokeh et qui détache vraiment bien les personnes de l’arrière plan. J’espère te croiser dans les rues de Besançon avec ton appareil.
Merci Stéphane 😉 J’ai prévu de revenir un peu plus souvent sur Besançon à partir de cette année, cette belle ville que j’avais un peu abandonné ces derniers temps. Bon avec les travaux du Tram, je sais pas trop si c’est une bonne idée, mais à l’occasion, je te préviendrai !
Quand je lis cet article je pense tout de suite au photographe Bruno Levy qui a des portraits de rue vraiment sympa sur son blog « Bobines » http://bobines.blogs.liberation.fr/bobines/ que je vous invite à parcourir en long et en large.
On y voit des personnes avec un look sympa, original, qui doivent s’assumer. Ca confirme l’article d’ici, une approche plus facile avec eux.
Il a sorti aussi un livre sympa sur le portrait. Je vous cacherais pas que j’apprécie assez son travail et surtout son approche. 😉
Salut Laurent, je suis d’accord avec toi, le livre sur le portrait de Bruno Levy présente des portraits pris dans la rue relativement sympas. Je pense que dans des plus grandes villes tel que Lyon, Paris, Toulouse … l’exercice est peut être plus facile, du fait du brassage culturel plus important. Ca serait peut être l’occasion pour moi de monter à Paris le temps d’un week-end et tenter l’aventure.
Salut ton article m’a fait réagir. Je suis tombé par hasard dans les actu de Bokeh . Et figure toi que depuis qq temps, je me trotte a interpeler des gens comme toi , pour un projet d’art pla. Merci pour tes conseils et tu as raison les français sont plus fermés devant l’objectif. Bonne continuation , artistiquement , Lou !
C’est vraiment stressant d’aborder les gens dans la rue, si à la base tu n’a pas ça dans le sang. Un peu comme un examen, mais quand le contact se créé, c’est un super moment, et c’est très formateur.
Le meme type d’article que celui de madame oreille ce matin 😉
Plus complet et plus vers la photos en France des 2 cotes de bons conseils qui me donne une idée » com’ com’ «
Hey merci pour l’info, j’étais passé à coté de son article qui est très intéressant également, et qui complète parfaitement le mien. Comme elle me l’à dit hier, les grands esprits se rencontrent
Super mec !
Un chouette article, qui pose les bonnes question, et les bonnes réponses.
c’est en forgeant que l’on deviens forgeron…
Bravo !!!
à très bientôt
Johann
Merci Johann !