J’ai eu la chance fin avril d’assister à une conférence particulièrement intéressante sur le travail d’auteur en photographie. Cette conférence proposée par la FPF était donné par Philippe Litzler, Rédacteur en chef du Magasine France photographie. Direction Dijon et son club photo Objectif Image, pour une conférence dont le but était de promouvoir le concours « Auteurs » de la fédération. Mais avant cela quelques mots.

Premièrement ce que je vous apporte est une synthèse de la présentation de Philippe Litzler, enfin des notes que j’ai réussi à prendre (aille l’école est loin, je n’ai plus l’habitude de prendre autant de notes) complétée par une réflexion personnelle sur la photographie. J’espère que cela  vous apportera l’envie de réfléchir sur ce qu’est la photographie, le travail d’auteur, ainsi que d’être photographe en 2011.

Portrait Romain Reflexion

1. État du métier

La photographie a connu deux énormes révolutions ces dernières années. La première a été le passage de la photographie argentique à la photographie numérique. Cela à permis à bon nombre de curieux de passer le pas, sans se soucier de aux techniques de développement et de tirage, encore réservés aux initiés.

La seconde révolution, est la démocratisation d’internet, et du web tel que nous le connaissons, avec son lot de bonnes et mauvaises surprises. Commençons par les bonnes choses pour ne pas être désagréable. Internet nous à apporté à domicile l’art, en nous permettant de découvrir des œuvres à travers le monde, et ceci sans bouger de chez soi. Ce n’est plus un privilège et chacun peut découvrir des centaines d’images par jour.

Philippe Litzler conférence

Philippe Litzler

La simplification des outils du web a également permis à des photographes en herbe, comme moi il n’y a pas si longtemps, d’exposer leurs clichés au yeux de tous, par le biais des sites personnels, des forums et des blogs. Et dans cette même envolée de technologie, nous avons vu fleurir bon nombre de banques d’images, tel que GettyImages, Fotolia ou même flickr, que certains appellent même les fossoyeurs du métier de la photo.

C’est en tout cas ce qui a déclenché la fin du photojournalisme. Il faut savoir que depuis quelques années les agences photos française divisent leurs chiffres d’affaire de 50% tous les ans. Des sites qui proposent des photos d’illustration, de reportage, pour moins de 1 euro, et un pourcentage moindre de revenu pour leurs auteurs, n’ont fait que plomber la valeur d’une image.

Comme l’a si bien dit Philippe lors de sa conférence : « L’avenir est sombre pour les photographes professionnels ». A Cela je rajouterai une phrase du photographe (et blogueur) masqué, qui officie sous le nom de Frozen Piglet. Courant mars 2011, il finissait un de ces article de 2011 par ces mots : « […] ma vie professionnelle est devenue un vrai capharnaüm. En même temps, je ne crois pas que je pourrais faire autre chose que ce métier de con. Je l’aime trop. » ce qui me semble résumer parfaitement l’état d’esprit actuel.

Conférence travail d'auteur - Dijon

2. La photographie contemporaine

Le passage au numérique est un tournant important dans l’histoire de l’image, puisque techniquement ce n’est plus une image qui est imprimée sur une plaque, ou un film, mais des signaux, des ondes électriques, composés de 0 et de 1, qui sont interprétés par la machines. Dès lors, on perd la crédibilité de l’instant décisif, de l’image capté à un instant qui ne se reproduira jamais qu’autrement. La photo est d’ailleurs devenu un outil qui sert à valoriser le travail d’artistes. D’ailleurs on voit de plus en plus de travail en amont de la photographie.

Lorsque vous regardez une photo publicitaire, prenez un instant et réfléchissez au nombre de personnes qui ont pu intervenir sur cette image. Coiffeurs, maquilleuses, éclairagistes, décorateurs, retoucheurs d’images, finalement la photo n’aura pris qu’une fraction de seconde. L’image quand à elle aura pris des heures de travail, réparties sur chaque corps de métier, photographe y compris.

La photographie contemporaine peut se découper en quelques sous genres. Attention toutefois, le but ici n’est pas de dénigrer l’une ou l’autre de ses formes, mais bien d’essayer de les catégoriser.

– Nous avons donc la photographie banale, la photographie qu’on prend avec son smartphone, qu’on tweet, qu’on publie sur des petits sites, une photographie exhibitionniste des petits rien de la vie. Cela a été remis au goût du jour avec les applications photos pour smartphone. Chase Jarvis a même fait un livre entièrement réalisé avec un iPhone.

– vient ensuite la photographie de type cinéma, qui va être plus travaillé, où les éclairages vont devenir importants, où le travail la pose, la mise en scène vont apporter une profondeur dans les clichés. Elle essaye de reproduire ce qui se faisait déjà en peinture tant au niveau de la lumière que de la composition.

– Enfin il reste la photo d’art. C’est un peu la « résistance » de la photographie, qu’on peut retrouver au travers des concours photos, nationaux, régionaux, ou autres. Elle représente le conservatisme de la philosophie de la photographie.

P. Litzler etudiant travaux photographiques

Philippe Litzler étudiant les travaux d’un des participant à la conférence.

3. Qui sont les photographes ?

On peut également diviser les photographes contemporains en trois clans. Oui je sais, c’est un peu barbare de l’évoquer de cette manière, et pourtant le découpage est réelle, et ne peut être nié.

– Les anciens, ou grands anciens (ah non ça c’est chez Lovecraft), sont les grands maîtres de la photo. Ils ont écrit l’histoire de la photographie et sont  les références en la matière, tel que Doisneau, Cartier-Bresson, Avedon, Brassaï, Capa, Clark …

– Les fédéraux (terme donné par Philippe Litzler ici), est un terme qui en fait nous représente, nous photographes amateurs, passionnés, éclairés, qui pratiquons la photographie comme un loisir, un plaisir. Notre travail est souvent l’amusement des photographes contemporains.

– Les contemporains, sont ceux qui sortent d’écoles de photographie, d’écoles d’art, et qui ont une formation en tant que producteurs d’œuvres artistiques. Ces photographes sont les derniers encore capables de vendre des photos à des prix se calculant en millions de dollars.

Notre salut viendrait donc du travail d’auteur. Il canalise les spectateur sur une regard que vous devez lui apporter. Le plus dur pour une production de qualité, est de savoir trier. Ne gardez qu’ un pour cent de votre production pour ce projet. Vous avez fait 2000 photos en une semaine ? n’en présentez que 20 à votre publique, et si possible dans une démarche homogène. C’est une manière de pérenniser votre œuvre, votre réflexion sur le monde qui vous entoure.

Cartier-Bresson Inde

Henri Cartier-Bresson – Inde 1947

4. Le travail d’auteur

Le travail d’auteur, finalement qu’est ce que c’est ? Ce travail permets de montrer le potentiel d’un photographe au travers de séries, de portfolios cohérents, qui témoignent d’une démarche, d’une réflexion sur la vie au travers de la photographie. C’est une manière plus intimiste, de présenter la beauté qui se trouve dans l’œil de celui qui regarde, avec passion : La vie à travers l’objectif de son appareil photo. Témoignage moderne, d’un univers en pleine mutation, c’est au photographe d’offrir sa vision au monde qui à son tour le regarde.

Aujourd’hui le travail d’auteur tourne principalement sur une série de 25 a 30 photos, s’inscrivant dans une démarche homogène. C’est un catalogue de votre vision du monde. Pour développer cette définition forte de sens, nous avons ensuite étudié les œuvres d’une vingtaine de photographes, qui s’inscrivaient toutes dans une démarche d’auteur (nb: je ne suis pas d’accord avec ce point, en fonction de certaines séries, mais libre à chacun de faire sa propre réflexion).

participant a la conférence

Un participant demande l’avis de Philippe Litzler

5. Quelques cas concrets

Au travers des exemples des travaux réalisés dans une démarche d’auteur, un premier constat m’a sauté aux yeux : La retouche photo, voir à un certain stade, la manipulation photographique , est complètement ancrée dans la pratique photographique. Pour être plus vulgaire, photoshoper comme un porc (mais proprement) est autorisé, voir parfois, félicité.

C’est un point très difficile à juger car en mon sens, moins une photo est manipulée, plus elle à de mérite à exister en tant qu’image forte. Mais bon ,je ne veux pas relancer le débat retouche ou non ici, puisqu’il est sans fin, et qu’il mérite un article à lui tout seul. Article qui a d’ailleurs très justement été traité par mon ami Tazintosh sur son blog Focused on.

voici donc quelques auteurs, quelques photos, qui s’inscrivent dans une démarche d’auteur. Je vous présente ces photos, de personnes plus ou moins connus, celles dont j’ai pu retenir le nom, ou qui m’ont interpellées.

Nan Goldin

L’œuvre de Nan Goldin est inséparable de sa vie : marquée par le suicide de sa sœur, c’est en photographiant sa famille qu’elle entame son œuvre photographique. Par la suite celle-ci reste très proche de l’album de famille, par sa technique comme par ses sujets.

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David Lachapelle

Son travail est plutôt connu dans les domaines de la mode, de la publicité et de la photographie d’art. Son œuvre, empreinte de surréalisme et d’humour, reste très influencée par l’érotisme. Les star du mondent entier veulent se faire photographier par lui. Ses premières séries mettant en scène le christ, ont une réel démarche, entre la provoque et le kitch.

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Martin Parr

Dans sa série sur les touristes, Martin Parr continue le mouvement humaniste, en photographiant l’humain dans un état détendu. Emplie de voyages et de joie de vivre, c’est un témoignage d’une époque faste.

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Vladimir Bazan

Journaliste ayant quitté la Biélorussie. Il a clairement un regard d’auteur, à travers ses reportages en noir et blanc. Images très contrastées et durs, à la limite du graphisme. Il représente en quelque sorte l’ancienne école russe de la photographie.

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Eleanor Mettra

Photographe Canadienne ayant traversé l’atlantique pour venir s’installer en France. Elle a réalisé une série sur le voyage entre le Canada et les États-Unis, le tout au format carré et avec des pellicules périmés. Une avant-gardiste pour moi, puisqu’on retrouve ce genre de photos avec les applis photos pour iPhone. Mon coup de cœur de tous les travaux présentés.

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José Vital Anselmo

Il a reçu un grand prix d’auteur de la FPF. Sa série sur l’Afrique en noir et blanc est très travaillé. Son format carré et cadré au tiers, apport une lecture plaisante.

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Gerard Chesneau & Stephen Clarke

Deux photographes plutôt orienté mode, avec pour même démarche de mettre en valeur l’esthétique du corps, la beauté, et le glamour. Perso, cela ne correspond pas à l’idée que je me fait d’un travail d’auteur, mais leur travail semblerait être compris dedans, du moins c’est source de débat. Par contre la qualité des photos est impressionnante, et ils font une photographie de type cinéma, avec une maitrise de l’éclairage parfaite.

D’ailleurs Stephen Clarke et le formateur de « Apprendre l’éclairage pour la photographie de studio », formation chez Elephorm de très grande qualité pour ceux qui s’intéressent au travail de la lumière.

gerard chesneau gerard chesneau gerard chesneau

Stephen Clarke

stephen clarke stephen clarke stephen clarke

Alastair Magnaldo

La démarche est indéniable, et le travaille de qualité. Ces images sont pleines de poésies, et chargées de sentiment, d’un histoire. Ce qui me gène avec ces images, c’est qu’on a dépassé le stade de la photo. On est dans la création, le montage, ce qui me dérange un peu, pour une démarche photographique. Cependant en tant que création visuelle j’adhère totalement.

alastair magnaldo alastair magnaldo alastair magnaldo

Jean-Christophe Hiver

Je termine ce tour d’horizon avec Jean-Christophe Hiver. Il a remporté le prix de la créativité du concours d’auteur 2010 avec sa série « une journée ordinaire ». Il présente un personnage sombre, consommant les autre comme des produits. Encore une fois je suis partagé sur l’idée de photographie, puisqu’ici, tout est montage. Pourtant j’aime beaucoup son travail, un peu gore, un peu trash, mais surtout engagé.

jean-christophe hiver jean-christophe hiver jean-christophe hiver

La question qui se pose, est de savoir si la fédération (voir les autres institutions) ne feraient pas mieux de créer une nouvelle section « création visuelle » qui serait englobé dans  la photographie, mais qui ne viendrait pas concurrencer la photographie traditionnelle (avec retouche minimum). Je sais c’est utopique, mais le débat, encore une fois, est ailleurs.

J’espère vous avoir donné envie de vous intéresser à ces quelques photographes, au travail d’auteur, et à la photographie surtout en générale.

Le blog de Philippe Litzler : http://photographies_phl.eklablog.com/

Le site d’Objectif Image Dijon : http://www.oidijon.fr/

Le site de la Fédération Photographique de France : http://federation-photo.fr/